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4.8. IA et sciences humaines et sociales

L’intelligence artificielle entretient des interactions dans deux directions avec les sciences humaines et sociales (SHS): d’une part, l’intelligence artificielle permet d’élargir le champ d’étude des disciplines concernées des SHS en y apportant de nouveaux outils; d’autre part, les SHS apportent des paradigmes et méthodes permettant de mieux analyser les impacts sociétaux de l’intelligence artificielle.

IA et sciences économiques. L’entrée de l’intelligence artificielle dans ce champ disciplinaire a eu lieu à partir des années 1990. Les sciences économiques posent souvent des postulats de rationalité des agents en situation de prise de décision qui, s’ils sont souvent discutables lorsqu’il s’agit de modéliser le comportement humain, s’avèrent précieux pour la branche de l’intelligence artificielle qui cherche à programmer de tels agents. Notamment, les recherches en planification font largement appel à la théorie de la décision, tandis que les systèmes multi-agents* font appel à la théorie des jeux* et à la théorie du choix social. À l’inverse, les méthodes de simulation à base d’agents permettent de questionner certaines théories économiques, en procédant à des expérimentations “in silico*”.

IA et droit. Le développement de modèles formels et d’algorithmes permet d’automatiser le raisonnement et la décision à partir de connaissances* légales. Par ailleurs, la constitution de grandes masses de données juridiques se prête, au moyen de tâches d’apprentissage, à l’analyse des décisions juridiques et à l’aide à la jurisprudence (dans ce cadre, mentionnons le problème important des biais d’apprentissage, qui peuvent conduire à des décisions injustes envers certains groupes d’individus); on parle du problème d’équité (“ fairness in Machine Learning”). Enfin, dans la direction opposée, l’intelligence artificielle est devenue un objet d’étude du droit, notamment pour tenter de régler les problèmes légaux et éthiques liés au déploiement des algorithmes d’intelligence artificielle, des robots, drones, et autres véhicules autonomes.

IA et philosophie. Diverses branches de l’intelligence artificielle, notamment la représentation des connaissances, le raisonnement automatisé, les agents autonomes, et les architectures cognitives, sont largement fondées sur des modèles issus de la philosophie (notamment la logique*, la philosophie du langage, et la théorie de l’esprit). D’ailleurs, de nombreuses questions sont étudiées par les deux communautés (telles que: qu’est-ce qu’une connaissance? Qu’est-ce que la vérité? etc.). Par ailleurs, l’intelligence artificielle pose des questions difficiles (notamment des questions éthiques, l’identité des agents autonomes, la place de l’intelligence artificielle dans la société, sans oublier le test de Turing*) sur lesquelles se penchent certaines branches de la philosophie.

IA et sciences des réseaux. À la frontière de l’intelligence artificielle, l’étude des systèmes complexes a été à l’origine d’un nouveau champ de recherche en sociologie: l’analyse des réseaux (entre individus dans un réseau social, entre pages web) et des communautés numériques. Outre cette analyse des réseaux sociaux et de la structure sociale du web, la représentation des connaissances et le raisonnement automatisé ont permis des avancées considérables en ce qui concerne la représentation et la manipulation des ontologies*, et ses applications au web sémantique*.

IA et humanités numériques. Débordant le périmètre de l’intelligence artificielle, les humanités numériques ont pour vocation d’appliquer méthodes et outils numériques aux SHS (en particulier, à la littérature). Les outils de reconnaissance de formes sont évidemment précieux pour analyser documents anciens, sons ou musiques. Le traitement automatisé des langues naturelles et l’analyse de sentiments ont aussi un impact majeur en ce qui concerne l’analyse et la classification de nouvelles sources documentaires: blogs, tweets, sites web, voire débats en ligne.