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4.1. IA et robotique

Un robot est une machine composée d’actionneurs, de capteurs, de moyens de communication et de calcul qui lui assurent des capacités de perception de son état et de son environnement, de prise de décision, de déplacement, et de préhension d’objets. Il est conçu pour accomplir une catégorie de tâches dans une classe d’environnements avec un certain degré d’autonomie et de robustesse.

La variabilité des environnements et des tâches d’un robot est une difficulté essentielle. En l’absence de variabilité – un seul environnement bien modélisé et instrumenté, ou bien une seule tâche bien spécifiée – on trouve des technologies matures. Ainsi, en robotique manufacturière, près de deux millions de robots-manipulateurs sont en opération dans l’industrie. De même, les robots mono-tâche, par exemple aspirateurs ou tondeuses à gazon, sont amplement déployés.

Lorsque l’environnement et les tâches sont très variables, par exemple dans des applications d’interaction et d’aide aux personnes, un robot autonome sera confronté aux défis d’interprétation et de modélisation* de ses perceptions sensorielles, et de délibération pour la planification et la conduite de ses actions. Les liens entre robotique et intelligence artificielle deviennent alors critiques.

La robotique a toujours été très présente dans les recherches en intelligence artificielle. C’est une référence naturelle, en particulier pour les travaux en intelligence située (ou intelligence incarnée*) et pour l’expérimentation. Les difficultés de réalisation des fonctions sensori-motrices ont freiné pendant longtemps les possibilités d’expérimentation. Les débuts de l’intelligence artificielle sont néanmoins riches en projets précurseurs de robots autonomes, tels que Shakey, ou le Stanford Cart à la fin des années 1960 en Californie. Tous ces projets, et de nombreux autres depuis, se situent clairement à l’intersection de l’intelligence artificielle et de la robotique, en termes d’autonomie de perception, de décision et d’action dans des environnements ouverts et pour une diversité de tâches.

L’intelligence artificielle fut sans doute moins présente dans la recherche robotique à ses débuts. Ceci est dû au fait que les verrous qui ont mobilisé initialement la communauté robotique ont relevé davantage des fonctions sensori-motrices que des fonctions cognitives.

L’intersection intelligence artificielle – robotique est importante et fertile pour les deux domaines. Pour la robotique, l’intelligence artificielle est au cœur de la boucle perception-décision-action à tous les niveaux, et en particulier pour les problèmes :

  • d’interprétation et de modélisation métrique et sémantique de l’environnement, de reconnaissance d’objets, de scènes et de situations dynamiques ;
  • d’action délibérée: planification et exécution de mouvements et de tâches, supervision de l’activité, raisonnement sur les buts et les missions ;
  • de communication et d’interaction avec des personnes, dialogue multimodal, coopération ;
  • d’architecture, d’organisation des fonctions sensori-motrices et cognitives d’un robot, de sûreté de son fonctionnement;
  • d’apprentissage à tous les niveaux précédents.

La plupart de ces problèmes sont présents sur d’autres volets de l’intelligence artificielle et ont été évoqués dans les sections qui précèdent. Cependant, la robotique leur apporte trois éléments importants :

  • une dimension intégrative, dans le sens où des hypothèses simplificatrices, souvent légitimes pour l’étude de telle ou telle fonction cognitive, seront remises en cause en robotique. Ainsi, les problèmes de vision, de perception, et de reconnaissance doivent être traités dans un contexte sensoriel plus complexe et en prenant en compte les mouvements et actions du robot (l’asservissement visuel et la perception active sont des problématiques issues de la robotique). Les problèmes de planification sont indissociables en robotique de ceux de la réalisation des actions et de la supervision des activités du robot. Les problèmes d’apprentissage, supervisé* ou par renforcement*, intègrent une partie des problèmes d’interaction, voire de perception (apprentissage inverse et estimation des fonctions de récompense). Les problèmes d’architecture doivent prendre en compte les dépendances mutuelles des fonctions, et les dynamiques des contre-réactions qu’elles gèrent ;
  • une dimension développementale pour une construction incrémentale, par apprentissage, des représentations du monde et des capacités décisionnelles du robot à travers son interaction avec l’environnement;
  • une dimension expérimentale: la robotique nécessite des plateformes et des validations empiriques, ce qui contraint les développements mais enrichit considérablement les recherches.